Les « classes tabourets »

Saint-Thomas Becket joue la transparence
Article paru dans le numéro 451 de « Famille et Education ».
Ecrit par Noémi Constans.


A l’école Saint-Thomas Becket, les papas et les mamans ont le droit d’entrer pendant une heure, dans la classe de leur enfant. Une expérience audacieuse, qui pemet aux enseignants et aux parents de mieux se comprendre.

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Il y a du monde ce matin dans la classe de cycle 3* de l’école SaintThomas-Becket, à Boissy-sous-Saint-Yon (91). Assis sur de petits tabourets, au milieu des enfants, une dizaine de papas et mamans écoutent sagement la maîtresse. « Je vais distribuer un exercice sur la numérotation des Romains. Les parents ne doivent pas donner les réponses », précise Anne-Laure Manuguerra, l’enseignante. Pour faire bonne mesure, elle leur donne le même pensum… avec des chiffres sino-japonais ou égyptiens. Antoine fixe la feuille d’un papa. « Je peux faire le chinois aussi ? » Un père aide son fils à démarrer : « Bon, tu as compris : avec les chiffres romains, tu n’as pas le droit de répéter quatre fois une lettre. » A côté, une petite fille veut corriger une erreur sur l’exercice de sa mère. « Occupe-toi de ta feuille », plaisante celle-ci.
C’est Myriam Godmet, enseignante en cycle 3, qui a lancé cette initiative, il y a quelques années. Les samedis où il y a école, les parents d’élèves de la G.S au CM2 viennent en classe. Une heure pas plus : les enfants ont besoin d’indépendance pour grandir ! Ce jour-là, l’enseignante traite des thèmes qui parlent aux parents et aux élèves. « Le but, c’est de leur expliquer des notions qu’ils pourront réutiliser lorsqu’ils aident leur enfant à travailler », précise Anne-Laure. Une large place est donc laissée à la méthodologie : comment fait-on son cartable, comment apprend-on une liste de mots… Mais les parents ont aussi eu droit à un cours sur la division, histoire de calmer les angoisses que cette opération réveille chez eux. « Après, une maman m’a même dit qu’elle avait enfin compris ! », raconte Myriam Godmet.

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Tenir le même discours aux enfants.

En rapprochant les parents et les enseignants, ces matinées contribuent à gommer les sujets de discorde ou d’inquiétude. Exemple : l’organisation de la scolarité en classe double, une particularité de Saint-Thomas, qui tracassait certains parents d’élèves de CM2. Dans une classe de plus jeunes, moins autonome, les parents jouent d’ailleurs un rôle très actif. À leur arrivée dans la classe, l’enseignante, s’assure qu’ils peuvent “coacher” aussi les élèves dont les parents ne sont pas venus. Ainsi, Philippe Lepimpec partage son temps entre sa fille et un petit garçon. Il pousse la première, qui a fini et qui aimerait bien dessiner, à écrire une autre phrase, et s’efforce de ramener l’attention du second, lassé de buter sur les mots, sur son ardoise.
Cette expérience a conquis enseignants, élèves et parents. Et, pourtant, à l’extérieur de l’établissement, bien des professeurs des écoles la jugeraient impensable. Beaucoup d’enseignants redoutent que les parents critiquent leur méthode. Mais ce n’est pas le cas, sans doute parce qu’en entrant dans les classes, les parents ont pu mesurer leur professionnalisme et leur engagement. « D’un autre côté, cette expérience incite les professeurs à se montrer clairs et à se remettre en question, estime Sophie Loiseau, la directrice de l’école. Si les parents critiquaient leur façon d’agir, ils seraient prêts à argumenter ou à tenir compte d’une remarque pertinente. »
Cet esprit de transparence s’étend à tout l’établissement, ce qui facilite la réussite du projet. À Saint-Thomas-Becket, les parents n’attendent pas leurs enfants derrière une grille. Ils peuvent entrer dans la cour et sont souvent invités. « Cette école nous laisse une place, résume un parent. Du coup, cela donne envie de s’impliquer. »

*Le cycle 3 regroupe les classes de CM1 et CM2.